C’est à l’âge de 17 ans, en 1367, que Vincent Ferrier rentre dans l’ordre des frères prêcheurs, fondé par Saint Dominique. Le jeune homme sera ordonné prêtre onze ans plus tard, après avoir étudié à Barcelone, Toulouse et Paris. Il commence alors, à 28 ans, un ministère typiquement dominicain : il est professeur et prédicateur. On reconnaît son enseignement théologique qui est de haute volée.
Au même moment, l’Eglise traverse des moments difficiles : la papauté est divisée ; plusieurs se disputent le siège de Saint Pierre, ce qui soumet la chrétienté à des divisions ; l’un est à Pise, l’autre à Avignon, le troisième à Rome. Benoit XIII, à Avignon, a entendu parler du remarquable enseignement du frère Vincent, et l’appelle auprès de lui pour en faire son confesseur et conseiller. Vincent Ferrier y va, en 1395. Il espère que sa solide formation l’aidera à contribuer à l’ordre dans l’Eglise.
Pourtant, trois ans plus tard, au cours d’une maladie, le Christ lui apparaît en songe. Il est entouré de Saint Dominique et de Saint François et demande au jeune dominicain de partir en mission dans le monde. Le pape nomme le frère Vincent « plénipotentiaire du Seigneur », lui donnant des pouvoirs extraordinaires, et celui-ci part, en 1399. Il prêche sans relâche, et avec un zèle impressionnant dans les villes et les villages qu’il travers ; il exhorte à la paix, à la réconciliation, rappelle aux baptisés les promesses de leur baptême ; il met en garde contre le péché qui peut conduire à la condamnation éternelle…
Les sermons du dominicain missionnaire sont pleins de vie, concrets. De temps en temps, il rappelle l’attention de son auditoire avec un fait divertissant, ou une anecdote. Par exemple :
« La comparaison des oiseaux »
Les oiseaux font quatre choses : chanter, voler, se laver et manger.
1° Ils chantent, leur chant est le bréviaire que Dieu leur montre. Et ils le font, à la minuit le rossignol, et les « oronètes » le jour, et certains autres quand le soleil se couche.
2° Puis ils volent, et trouvent ainsi un grain de froment, un ver, un brin d’herbe. Qui a posé là ce petit fragment ? Dieu. Ils vivent et n’ont cure de plus.
3° Puis se purifient, soit avec le bec, soit dans l’eau. – Vous autres, vous ferez ainsi. D’abord, le matin, avant de quitter la maison, agenouillez-vous dévotement dans votre chambre, afin de louer Dieu. – Autre chose font les oiseaux ? Quoi donc ?
Ils volent. Vous en ferez autant : penser à la gloire du paradis, à l’enfer, à la Passion, ouïr la messe en silence, n’est-ce pas voler ? – Alors, vous vous purifierez par la confession, et les yeux, et les oreilles. –- Enfin vous mangerez. Comment ? En communiant le jour de Pâques avec une grande révérence. »
Sa prédication rassemble des foules considérables autour de lui ; Il accomplit aussi des miracles au nom du Seigneur : A Compostelle, près du tombeau de saint Jacques, un jeune aveugle le suppliait de lui rendre la vue. « Je ne fais pas de tels miracles. D’où êtes-vous ? — D’Oviedo — Eh bien retournez à Oviédo ; entrez à la cathédrale, et là, prosterné devant l’image du Sauveur, dites-lui que c’est moi qui vous envoie et vous serez exaucé ». Le jeune homme fit le voyage : « Seigneur, dit-il, F. Vincent m’envoie pour que vous me guérissiez ». Sa prière fut exaucée sur le champ. De nombreuses personnes se convertissent et commencent à mener une vie plus digne. Le plus étonnant, c’est que, s’il connaît le latin, le grec, l’hébreu et le catalan, sa langue maternelle, Vincent Ferrier ne connaît pas toutes les langues des pays qu’il traverse. Pourtant, quand il prêche, il est compris. Ainsi, en Bretagne, ne parlant pas le breton, il prêche en catalan, et les foules reçoivent son enseignement !
Le prêcheur aura marqué de nombreuses régions par son passage : Il a visité et prêché en Espagne, en Castille, Aragon, Andalousie, Léon. Puis il est revenu en France, où il va enseigner les Toulousains, chez qui il a étudié, avant de traverser le Massif Central pour aller vers la Bourgogne, la Franche-Comté et la Savoie ; Après quoi, il emprunte la vallée de la Loire pour évangéliser l’Ouest de la France. De Nantes, il va vers Vannes ; Il prêche à Fégréac, La Roche-Bernard, Redon, Muzillac, Questembert, et le vendredi 4 mars 1418, il est à Theix, qu’il quitte ensuite pour aller vers la Normandie en passant par Rennes. Il revient enfin en Bretagne, semant la bonne parole sur la côte Nord, le Trégor, le Léon, puis Quimper. Arrivé dans le Morbihan, il marque Guémené sur Scorff, Pontivy de son enseignement, avant de repartir vers Nantes. Finalement revenu à Vannes, il continue à prêcher et à guérir les malades. « Jean Leben, paralysé depuis dix-huit ans, n’avait pu être transporté assez tôt pour prendre place au premier rang. Il gisait sur son grabat perdu dans la foule, en face de la maison de Pierre Bourdin. Se croyant délaissé, il crie de toutes ses forces : « Ami de Dieu, daignez m’écouter ! ». On s’écarte, et le bon saint Vincent lui dit « Je n’ai ni or ni argent. Mais je prie le Seigneur Jésus-Christ de vous accorder dans son immense bonté la santé que vous demandez ». Il parlait comme saint Pierre et saint Jean à l’infirme du Temple. L’effet ne se fait pas attendre : Jean Leben se lève. Jamais plus il ne ressentira d’infirmités ». Mais le saint se fatigue, et se sent épuisé par son intense ministère. Nous sommes en 1419, il a 69 ans !
Il désire prendre le bateau pour retourner à Valence, dans son pays d’origine, où il pense mourir, mais au départ, une tempête empêche le bâtiment de sortir du golfe du Morbihan. Alors, contraint par les éléments, il est logé dans une maison à deux pas de la cathédrale, place Valencia, où il meurt, épuisé, le 5 avril 1419.
Voilà ses mots, adressés à ceux qui entouraient son lit, quelques jours avant sa mort : « Messieurs les Bretons, dit-il, si vous voulez vous rappeler dans votre mémoire tout ce que je vous ai prêché pendant deux ans, vous trouverez qu’il n’est pas moins utile pour votre salut que conforme à la vérité. Vous n’ignorez pas à quels vices votre province était sujette, et que de mon côté je n’ai rien épargné pour vous ramener dans le bon chemin. Rendez grâces à Dieu avec moi, de ce qu’après m’avoir donné le talent de la parole, il a rendu vos coeurs capables d’être touchés et portés au bien. Il ne vous reste plus qu’à persévérer dans la pratique des vertus, et à ne pas oublier ce que vous avez appris de moi. Pour ce qui me regarde, puisqu’il plaît à Dieu que je trouve ici la fin de mes travaux, je serai votre avocat devant le tribunal de Dieu ; je ne cesserai jamais d’implorer sa miséricorde pour vous, et je vous le promets, pourvu que vous ne vous écartiez pas de ce que je vous ai enseigné. Adieu je m’en irai devant le Seigneur dans dix jours d’ici ».
Ses obsèques sont suivies par une grande foule de fidèles. Il est enterré dans la cathédrale de Vannes, et un pèlerinage incessant se met en place autour de son tombeau. Sa réputation de sainteté, ses enseignements, ses miracles avaient déjà fait naitre de son vivant une dévotion pour lui ! Il est canonisé en 1455 par le pape Callixte III et devient naturellement le second patron du diocèse de Vannes.
On le prie en particulier pour avoir une vie droite, véritablement chrétienne, avec laquelle on puisse paraître avec confiance devant le Seigneur lors du Jugement.
Saint Vincent, un modèle pour nous ?
Sur bien des points, Saint Vincent peut être un modèle pour nous. Bien sûr, tous ne sommes pas appelés à être dominicains, mais chacun dans la vocation qui est la sienne peut suivre ce modèle de sainteté que l’Eglise nous offre.
Sa vie nous dit comme il était vif, dynamique, zélé. Et nous espérons lui ressembler à travers ces traits. Mais, tout son zèle, il le mettait au service du Seigneur, en proclamant son nom, en le faisant connaître et aimer, et en faisant le bien autour de lui. Nous pouvons l’imiter sous cet aspect-là, tout d’abord en respectant le second commandement : « Tu ne prononceras le nom de Dieu qu’avec respect », mais aussi en cherchant les occasions de faire le bien et de témoigner de notre foi dans le Seigneur ; enfin, pour prétendre être « missionnaire » à notre manière, il nous faut connaître Celui que nous voulons annoncer.
Saint Vincent a étudié la théologie, et a toujours continué à approfondir sa connaissance et son amour du Seigneur en particulier par la prière intense. C’est pour cela que la prière mais aussi le désir de toujours mieux connaître notre foi sont importants. Si nous nous y appliquons, naturellement, nous saurons témoigner de notre foi, tout simplement, autour de nous.
Saint Vincent était animé d’une grande espérance et d’une grande confiance dans la miséricorde divine ; en même temps, il savait que celui qui suit la voie du péché prend le chemin de la condamnation. Toute sa prédication était orientée vers cette mise en garde tirée de l’Evangile : « votre mort peut arriver par surprise, comme un voleur, soyez toujours prêts ». Il voulait enseigner à demeurer purs, sans péchés, pour pouvoir se présenter à tout moment devant le tribunal de Dieu. Nous aussi, imitons-le en étant toujours soucieux de rester dans la voie du bien, de ce qui ne peut déplaire à Dieu. Soyons toujours prêts à rencontrer Dieu pour le Jugement dernier. Ainsi, nous saurons Le reconnaître avec une foi toujours plus grande dans le Saint Sacrement, dans l’Eglise, dans nos frères…